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A l’occasion de la chronique du Journal d’un remplaçant, j’avais contacté Martin VIDBERG et l’avais sollicité pour en savoir un peu plus sur son travail. Malgré un emploi du temps surchargé, il a très gentiment accepté de répondre intelligemment à des questions parfois stupides.

Entretien avec Monsieur PATATE.

K : Tu es à la base un instituteur qui rêvait de retourner à l’école primaire et tu as bien manigancé pour y arriver. Mais comment es tu venu à la BD ? Où as-tu appris à dessiner et mettre en scène ?

Martin VIDBERG : C’est amusant, je viens justement de dessiner une double planche sur le sujet. Pour résumer, j’ai toujours aimé le dessin et surtout raconter des histoires mais je n’ai jamais imaginé que l’on pouvait gagner sa vie en dessinant. Peut-être par manque d’ambition, peut-être parce que, dans mon entourage, les gens ont des métiers « normaux » (prof, salariés…) il aura fallu que je m’ennuie sur les bancs de l’IUFM pour commencer à dessiner. Depuis je n’ai jamais arrêté et grâce à Internet, c’est devenu mon activité principale.

K : Allez, balances un peu : l’idée des personnages patatisés, tu la sors d’où ?

M.V.: Bof, je n’ai rien inventé. Il y a tout un tas de dessinateur qui dessinent de manière simplifiée ou stylisée. Cela surprend toujours mais je n’y ai même pas vraiment réfléchi au début : c’est un dessin qui est venu tout seul en gribouillant et qui s’est imposé sans que je m’en aperçoive.

K : Et ton premier dessin, c’était quoi ?

M.V.: Un gros gribouillage comme tous les gamins j’imagine. Pas mieux qu’un autre d’ailleurs : j’ai longtemps été frustré de ne pas avoir gagné le concours de dessin de mon petit village quand j’étais gamin alors que mon petit frère et ma grande soeur avaient gagné tous les deux dans leur catégorie d’âge (le premier prix était un lapin vivant). Quelques années plus tard, j’ai quand même eu ma vengeance en remportant un magnétophone Fisher Price au concours de dessin du Auchan.

K : Comment tu as été découvert et par qui ? Et comment tu en es arrivé sur le dessin de presse sur le blog du Monde ? Parce que ce n’est pas le genre de proposition qu’on fait à Monsieur Tout le monde, juste à Monsieur Patate (fallait que je la place celle là, désolé…)

M.V.: C’est la « magie » d’Internet : on est pas « découvert », on se contente d’être là. J’ai ouvert mon premier blog fin 2000 et il n’y a jamais vraiment eu de pic de fréquentation lié à un évènement majeur. Ma première BD a été publiée après avoir été diffusée entièrement en ligne, mon blog d’actualité sur Le Monde est la suite de ce que je faisais déjà tout seul auparavant : je n’ai attendu personne pour me lancer. Je dois quand même remercier les éditeurs papiers et numériques qui m’ont fais confiance.

K : Ton premier album c’est bien Journal d’un remplaçant ? On dit souvent qu’une première œuvre parle de son auteur et tu ne fais pas exception à la règle. Mais ensuite ? Quels seront tes prochains albums ? De quoi tu as envie de parler ?

M.V.: Je ne réfléchis pas tellement en terme d’album papier. Mon support « naturel » est le site internet et mes albums ont tous été réalisé « par accident ». Je ne me demande donc jamais quel sera mon prochain album. Comme j’aime bien les livres, je regrette parfois de ne pas avoir une actualité éditoriale plus excitante mais, d’un autre côté, j’ai un rythme de travail plus stable, plus confortable et moins stressant que la plupart des « auteurs papiers ».

K : Rassures nous, tu sais dessiner autre chose non ? Tu saurais faire, je sais pas moi, des bonshommes tomates ou des bonshommes choux-fleurs ?

M.V.: Je pourrais dessiner d’autres choses mais je reconnais que je ne m’entraîne pas beaucoup.

K : Tu utilises ton talent de narrateur dans le cadre de ton enseignement ?

M.V.:On me le demande souvent, mais c’est un peu un fantasme : dessiner n’est pas un super pouvoir pour devenir enseignant, ce sont finalement deux métiers très différents. C’est peut-être pour cela qu’ils se complètent bien.

K : Tu pourrais travailler en tandem avec d’autres auteurs ? Et si oui, vers qui te tournerais tu ?

M.V.: Je l’ai déjà fait et j’ai toujours eu un peu de mal. Pour moi, la réalisation d’une histoire doit être un plaisir. Je ne suis ni tourmenté ni perfectionniste et j’aurais beaucoup de difficulté à travailler avec quelqu’un qui vit la création comme un  chemin de croix. Malheureusement, la plupart des dessinateurs de BD sont tourmentés et perfectionnistes…

K : Et en tant que lecteur qu’est-ce qui t’attires ?

M.V.:Aucun genre en particulier, je cherche juste à passer un bon moment mais cela peut être avec un recueil de gags comme avec un essai philosophique (même si c’est plus rare).

K : Tu es déjà parti en dédicace ? Comment se sont passés tes contacts avec ton public ? Qu’en as-tu retiré (mis à part une énorme bouffée d’autosatisfaction ?)

M.V.:Ah non, je n’ai jamais eu « d’autosatisfaction » en dédicace, il s’agit d’une rencontre un peu artificielle puisque l’une des deux personnes est assise et ne connaît pas son interlocuteur et que l’autre est souvent gênée. C’est un peu surprenant au début et finalement c’est assez agréable quand je parviens à faire plaisir à ceux qui viennent chercher un petit dessin.

K : D’ailleurs, comment on fait pour avoir une chouette dédicace de Martin VIDBERG ?

M.V.:Il faut venir à une séance. Je n’en fais pas par correspondance, je n’en ai plus le temps.

K : Tes collègues ou tes élèves savent que tu es une superstar ? Comment tu gères la célébrité ?

M.V.:Ah ah dans ce cas je suis une superstar anonyme qu’on ne remarque pas dans la rue ! Il y a toujours des gens qui se croient plus importants que les autres, dans la BD comme ailleurs, mais je n’ai jamais rencontré de superstars dans ce milieu, pas plus que parmi mes collègues enseignants (parmi lesquels il y a aussi quelques égocentriques).

K : Aujourd’hui il n’est pas rare de tomber sur des bonshommes patates, que ce soit à la télé, sur internet ou en affichage. Où trouves tu le temps de répondre à toutes ces sollicitations ?

M.V.: Etant donné le temps que j’ai mis à répondre à tes question, tu as ta réponse : j’ai bien du mal !

K : Allez, parlons technique une peu. Peux tu nous expliquer comment tu travailles lorsque tu es sur un projet, que ce soit un album, une affiche ou un dessin de presse ? Par quels processus passes-tu ? Quelle est ta technique de dessin ? Dis nous tout.

M.V.: Rien de bien original : je réalise d’abord un crayonné que je reprends ensuite à la table lumineuse au feutre. Ensuite je scanne et je colorise sur ordinateur. Que ce soit un album, un dessin de presse ou une pub.

K : Instituteur,  dessinateur, scénariste, blogueur… Finalement ton vrai métier c’est quoi ?

M.V.: Officiellement, je suis instituteur à mi-temps. Financièrement, c’est un peu tout à la fois. Actuellement, je gagne surtout ma vie avec le dessin de presse mais l’an prochain, ce sera peut-être autre chose.

K : Qu’est ce que tu fais quand tu ne prépares pas tes cours, que tu ne dessines pas ou que tu ne tiens pas ton blog à jour? Rassures moi, tu dors un peu de temps en temps ?

M.V.: Voilà, tu as trouvé : je dors ou je mange. Je fais caca aussi mais souvent je scénarise en même temps.

K : Est-ce qu’il y a une question que je ne t’ai pas posée ?

M.V.: Je ne sais pas, mais si c’est le cas, je n’y répondrai pas !

K : Martin, merci beaucoup pour ta gentillesse et à très bientôt.