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Quand nous rédigeons des articles, nous contactons (enfin, quand on peut) les auteurs afin de leur signaler l’existence d’un billet relatif à leur œuvre. Et dans le même temps, nous leur proposons de répondre à quelques questions, histoire de nous éclairer, pauvres lecteurs que nous sommes, sur leur manière de travailler, de voir le monde de la BD de l’intérieur (« Youhou, quelqu’un peut allumer ? ») et la vie en générale.

Cette fois, c’est Jérôme HEYDON qui passe sous le grill des questions (pas si) bêtes de tonton Cruchot. L’auteur du diptyque Aarib revient pour nous sur son vécu dans le sable et le pourquoi-du-comment-parce-que il a voulu coucher sur papier son voyage au pays des berbères. Yallah!

Kroniks : Jérôme HEYDON bonjour. En naviguant un peu de ci de là, j’ai découvert assez peu de choses sur toi. Tu es né en 1975, tu as tenté de dessiner en autodidacte mais ça n’a pas marché alors tu as fait l’école Emile Cohl de Lyon pour finalement sortir ta première bd à 33 ans. Alors, première question : c’est à cet âge ci que tu publies ?

Jérôme HEYDON : Oui !

K : Où tu étais passé ?

J.H. : Vous voulez sans doute dire, par où suis-je passé ? Car je n’ai jamais disparu.

K : Aarib est ton premier album. D’habitude, les jeunes auteurs commencent par dessiner des trolls, des elfes ou des vaisseaux spatiaux. Mais toi tu as choisi de raconter l’histoire d’un romancier qui part découvrir le désert et les nomades. Mais qu’est-ce qui t’a pris ?! T’aimes pas les trolls ?

J.H. : Je n’ai jamais rencontré de trolls, ni d’elfes. Des nomades oui. Et je crois que l’on ne parle bien que de ce que l’on connait. Quant aux vaisseaux spatiaux, ils sont susceptibles de m’intéresser s’ils parlent d’êtres humains…

K : Oui, d’accord, mais tu sais dessiner un troll quand même, hein ?

J.H. : Je n’ai jamais essayé.

K : J’ai lu quelque part que tu avais passé pas mal de temps dans le désert, au contact d’une tribu de nomades. Tu peux nous raconter ton voyage et ce besoin de coucher ton expérience sur des planches à dessin? Pourquoi raconter le Maroc et pas la Bretagne, c’est une question de soleil ?

J.H. : La Bretagne est un pays arrosé de soleil, comprenne qui peut.

Pour ce qui est de coucher mon expérience sur la planche à dessin, il s’agissait pour moi de digérer des émotions, et de trouver un canal pour les dire. De donner du sens à une nécessité intérieure.

K. :François Le Guennec est breton, comme toi. Il est parti à l’aventure dans le désert, comme toi. Il en est revenu transformé, comme toi. Et il est tombé amoureux d’une nomade. Comme toi ?

J.H. : Les nomades maures sont musulmans. Une musulmane -selon l’interprétation coranique communément admise- ne peut épouser un chrétien.

K. : Mais alors François Le Guennec, c’est toi !

J.H. : On me l’a déjà faite celle-là. Mon nom est écrit sur la couverture de mes livres.

K. :  Comme ça, tu utilises la bd pour satisfaire ton égo ?!

J.H. : J’utilise la BD pour dire. C’est un travail d’auteur.

La nécessité, à un moment donné, peut être de crier, d’extérioriser des choses enfouies en nous.

La nécessité, à un autre moment, peut être de témoigner de choses extérieures à nous, des choses qui sont à d’autres, mais qui trouvent un écho dans notre propre histoire.

Il ne s’agit pas de satisfaire son ego. Mais d’être avec les autres. D’être en dialogue.

Quant à la satisfaction, si elle existe, elle est une conséquence, pas un but.

K. : En lisant la série, j’ai été frappé par la façon dont tu rends si bien la lumière du pays. Comment tu y es tu pris ? Est-ce que tu as dessiné de mémoire, sur photo ou sur place ? Plus généralement peux tu nous dire comment tu travailles ?

J’ai dessiné principalement de mémoire, en m’appuyant sur de la documentation photographique pour les choses complexes (l’anatomie du dromadaire notamment).

Pour ce qui est des couleurs, elle sont venues naturellement sous mon pinceau numérique; la rétine encore imprégnée des couleurs sahariennes.

K. : Quelles sont tes influences, graphiques ou scénaristiques ?

Il serait trop long d’en faire une liste exhaustive. J’ai des goûts éclectiques.

Et puis je peux être influencé autant par des films, des romans, de la musique, que par des bd.

K. : Tu travailles seul avec toi même, mais tu crois que tu pourrais envisager un projet à 4 mains ?

Je travaille sur des projets avec d’autres auteurs…

K. : D’une manière générale quelles sont tes envies d’auteur, d’artiste ?

Faire des choses qui ont du sens.

K. : Le tome deux d’Aarib est sorti depuis un moment et toujours pas de nouvel album dans les bacs. Le nouveau HEYDON c’est pour quand alors?

Je travaille beaucoup dans le monde de l’illustration. Il n’y pas que les albums pour raconter des histoires. Vous pouvez voir mes réalisations dans différentes publications.

K. : Il parait que les auteurs ne sont pas de gros lecteurs de bd. Allez, fais mentir cette idée et dis nous ce que tu lis. Quels sont tes auteurs favoris ? As-tu un modèle, voire un parrain dans le milieu ?

Un parrain dans le milieu ? Non ! Je n’aimerais pas finir dans le lac Michigan avec des chaussures en béton aux pieds.

J’aime lire de la bd. Là encore, je ne ferai pas de liste. Disons que je pense vite à Cosey lorsqu’on me demande quel auteur j’apprécie. Mais il en est des dizaines d’autres.

K. : Quelques unes de tes dédicaces traînent sur le net et elles sont juste magnifiques. Tu bichonnes tes lecteurs dis donc.

Tant mieux si certaines de mes dédicaces sont plaisantes à l’œil.

Toutefois, les séances en salon ou en librairie doivent surtout être des moments privilégiés d’échange avec mes lecteurs ; j’ai parfois fait de belles rencontres. S’il s’agit juste de faire un beau dessin, cela ne m’intéresse pas.

K. : Et sinon, tu sais faire le thé à la menthe ? Et les cornes de gazelles ? C’est bon, ça, les cornes de gazelles. Mme CRUCHOT demande si tu sais marcher avec des babouches (parce que moi, j’y arrive pas…) ?

Dans le grand sud, pas de menthe ! Pas de cornes de gazelles non plus (sauf les vraies, mais ce n’est pas comestible). On mange rarement de dessert au désert, à part une sorte de melon.

Les babouches : pas de problème dans les villages, mais sur le reg ou dans les dunes, on leur préférera une bonne paire de sandales et/ou de la corne naturelle (au pied, pas de gazelle !).

K. : Je crois qu’on arrive à la fin. Est-ce qu’il y a une question que j’ai ratée et à laquelle tu tiens absolument à répondre ?

Si je tiens absolument à répondre à une question que vous ne m’avez pas posé, c’est que c’est moi qui me la pose.

Elle n’a donc pas sa place dans cette interview.

K. : Et est-ce qu’il y a une question à laquelle tu tiens pas du tout à répondre ?

J’ai répondu à toutes les questions que vous m’avez posées, donc…

Merci à vous.

K. : Non, merci à toi pour ta patience et ton talent et j’espère te voir bientôt en vrai de vrai pour parler du Maroc et de tes projets. Bon vent à toi.