Longtemps cantonnée aux fonds des librairies, planquées dans les bacs bien à l’abri des regards prudes, les BD érotiques visaient principalement un public masculin.
Aujourd’hui, elles reviennent sur le devant de la scène dans un nouvel emballage plus grand public. Désormais décomplexées, elles lorgnent sur un public plus large et surtout plus féminin.
Après le carton de Premières fois chez Delcourt (qui apparaît sur nombre de blogs féminins) et la réussite discrète de Maka Maka (et de sa suite) (auprès des adolescentes principalement), voici Arthur & Janet édité chez Drugstore (une filiale de Glénat).
Découpée en petits chapitres indépendants, l’histoire nous plonge dans l’intimité d’Arthur et de sa copine Janet. Qui sont-ils ? Que font-ils dans la vie ? On n’en saura jamais rien. Tout ce dont le lecteur a besoin de savoir c’est que ces deux là sont très amoureux et feraient n’importe quoi pour plaire et faire plaisir à l’autre. Pas de complexe, pas de tabous, juste un homme, une femme et une immense complicité.
Ses atouts ? Tout d’abord Jean-Luc CORNETTE au scénario (Jean Polpol, Morro Bay, Les passe-murailles), un scénariste éclectique et talentueux à l’univers parfois étrange mais toujours tendre.
Il s’attaque ici au genre casse gueule de la bd érotique et réussi à éviter tous les écueils propres à ce type d’histoires. Loin des clichés auxquels le genre nous avait habitué, le titre marque sa différence par la qualité de l’écriture. Ici, point de nymphomanes soumises (MANARA), de sévices malsains (SERPIERI), de nymphettes sorties d’un dessin animé (Les petites femmes) ni de fantasmes humides ultras siliconés (nombre de mangas érotiques).
Non, rien de tout cela. Le titre est une ode simple et délicate aux plaisirs des sens, un hommage à l’hédonisme tendre.
Pas de complexe, pas de tabous, juste un homme, une femme et une immense complicité.
Tout seul, à deux, à trois, avec un œuf en plastique, une banane ou de la confiture, dans le train, dans le couloir de l’immeuble ou dans le foin, Arthur et Janet explorent toutes les formes de plaisir, sans complexe ni jalousie, sans perversité ni jugement. En cela on peut les rapprocher de Jun et Nini (Maka Maka).
Leur relation est parfaitement saine et le sexe se révèle un formidable catalyseur dans celle-ci.
Le ton est léger et totalement décomplexé et Arthur et Janet deviennent très rapidement attachants.
Avec ses dessins cartoon et sensuels, Karo (une belle brune aux yeux malicieux) allège encore l’ambiance. Ses personnages, mignons et légèrement disproportionnés, ses couleurs chaudes finissent de casser tous les a priori glauques attachés au genre.
CORNETTE et Karo se connaissent bien et n’en sont d’ailleurs pas à leur coup d’essai en la matière. Les compères sont en effet responsables de Câlinée sous X (Carabas). Cette tranche de vie de Kyra, jeune femme un peu perdue qui passait de bras en bras, s’était déjà faite remarquer à Angoulême 2007 par son ton léger et ses couleurs acidulées. Tiens, les mêmes ingrédients que pour Arthur & Janet.
Tendre, léger et décomplexé, le bouquin a su toucher un nouveau public. J’en veux pour preuve le nombre de jeunes mères qui, bébé dans les pattes, faisaient la queue pour décrocher une dédicace sur leur album fraîchement acheté et échanger avec la douce Karo*.
L’album est un one-shot, mais d’après Karo rien n’est décidé : en cas de joli succès les auteurs pourraient tout à fait sortir un deuxième tome.
Premières Fois scénarisé par Sybille, Câlinée sous X et Arthur & Janet dessinés par Karo, Fraise et Chocolat d’Aurélia AURITA… la bd érotique semble trouver une nouvelle jeunesse grâce à ces dames. Alors les bd, nouveaux sex toys ?
A réserver à un public averti.
* vu au dernier Salon du Livre de Paris en Mars 2009